Manifestations Luther

Actualité et résonnances de l’œuvre de Luther

02 mars 2017

Les trois journées œcuméniques annuelles organisées par l’Église catholique et l’Église protestante unie du Tarn étaient consacrées, actualité oblige, à Martin Luther.

Le pasteur Michel Bertrand fut l’un des intervenants le 19 janvier dernier sur le thème : « Actualité et résonnances de l’œuvre de Luther ». L’intervention de Michel Bertrand visait à « montrer comment des aspects de la pensée de Luther peuvent rejoindre avec pertinence des questions et des attentes de la société contemporaine », en évitant tout anachronisme, ou toute apologie. Et c’est autour du mot « défi » plutôt que celui d’alertes que le conférencier a développé cette actualisation : « car ce mot [défis] dit à la fois une difficulté et la possibilité de la dépasser, comme l’indique l’expression "relever un défi" ». C’est donc autour de six défis que s’est construite la conférence.

Le défi de la société de performance 

« Notre société exalte la rentabilité, l’efficacité, comme conditions d’une vie réussie. C’est le nouveau credo. Chacun est sommé de faire ses preuves, de "se justifier" pour reprendre une thématique de la Réforme. Ces exigences tyranniques ne sont, au fond, qu’une expression sécularisée de salut par les œuvres. Alors face aux nouvelles formes d’Indulgences qu’elles imposent, on saisit le caractère pertinent, libérateur et dérangeant du message de la justification par la seule grâce de Dieu proclamé par Luther ».

Le défi de la liberté de l’individu 

« L’individualisme contemporain prend souvent le visage d’un individu qui n’a de comptes à rendre qu’à lui-même. Chacun cherche son épanouissement personnel dans une satisfaction immédiate de ses désirs et la réalisation optimale de ses capacités individuelles en essayant tous les possibles à sa disposition. Cette conception de la liberté est radicalement différente de celle de Luther : s’il valorise la dignité du sujet, avec sa capacité de liberté et de responsabilité individuelles, c’est en décalage avec la figure de l’individualisme contemporain ».

Le défi du vivre ensemble 

« Nous vivons dans un contexte où l’individualisme est tellement exacerbé que la relation à l’autre s’efface entraînant un effondrement des solidarités et une perte de la visée commune. La tentation est au repli sur soi ou sur sa vie privée. […] Face à ces attitudes, on perçoit l’actualité du message de Luther qui rappelle l’exigence d’une foi vécue dans le concret de la vie quotidienne ».

Le défi du religieux 

« Aujourd’hui la question du religieux dans la société se pose de manières dramatiquement nouvelle. Il est un puissant ressort passionnel, légitimant les haines et les violences, notamment celles infligées aux femmes. […] Or, chez Luther, la foi n’est pas de l’ordre d’un savoir absolutisé. Elle n’est pas un contenu de vérité sur Dieu, mais une rencontre en vérité avec Dieu, que nul ne peut maîtriser, ni imposer ».

Le défi du témoignage 

« Ce témoignage requiert d’abord de penser ce que l’on croit, en dialogue avec la culture, la science, dans une interpellation réciproque. […] Cette intelligence de la foi, Luther l’a vécue. Elle ne détruit pas la foi, comme certains le craignent. Elle est une exigence de la foi elle-même qui combat aussi bien l’apathie spirituelle que le fanatisme ».

Michel Bertrand évoque l'actualité de Luther

 

Le défi de la temporalité 

« Notre époque est sous la pression d’un présent toujours plus présent et toujours plus pressé. Carpe diem dit l’individu contemporain. Ce "présentisme" a pour corollaire l’effacement du passé et de l’avenir. Luther, lui, articule le passé, le présent et l’avenir. Luther, et Calvin de la même manière, n’a nullement ignoré la tradition de l’Église, ni voulu éliminer ce qu'apporte des siècles de travail, de réflexion et de méditation de l'Écriture. Mais Luther valorise aussi le présent comme moment de la rencontre existentielle avec le Christ. Quant à l’avenir, Luther en avait eu une vision inquiétante, celle du jugement dernier. La justification par grâce le tourne vers le salut à venir ». 

Bernard Tournier.

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