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Cinéma et musique

08 mars 2023

DVD, sortie nationale, dernier CD de musique classique ou album plus contemporain, une sélection proposé par votre magazine régional protestant.

Cinéma

Vivre

Un film d’Oliver Hermanus, 2022, 1 h 42.

 Vivre est une idée de l’écrivain, scénariste (notamment du film Les vestiges du jour) et parolier – pour la chanteuse de jazz Stacey Kent – Kazuo Ishiguro. Il a imaginé le comédien Bill Nighy dans un remake du Vivre de Kurosawa (1952), dont il a écrit le scénario, transposant l’intrigue dans l’Angleterre de 1953. C’est le Sud-Africain Oliver Hermanus qui s’est vu confier la réalisation du film.

Mr Williams, gratte-papier terne, chef de bureau dans la mairie d’une ville anglaise, englué dans une routine sans vie, apprend qu’il a un cancer et qu’il lui reste quelques semaines à vivre. Dès lors, il quitte son bureau et cherche comment profiter des moments qui lui restent.

La réalisation sobre – peut-être trop ? – d’Hermanus s’appuie sur le travail visuellement magnifique de la décoratrice Sarah Kane et du chef-opérateur Jamie Ramsay, dont la reconstitution de l’Angleterre du début des fifties fait la part belle au clair-obscur. Le film repose largement sur les épaules de Bill Nighy, dont on se souvient entre autres de la performance comique en rocker déjanté dans Love actually. Son visage presque impassible laisse peu à peu affleurer, au-delà de la retenue compassée et ennuyeuse du rond-de-cuir, la grande sensibilité d’un homme qui n’a jamais fait le deuil de l’amour de sa vie. La jeune Mrs Harris, sa collègue de bureau, par sa fantaisie et sa joie de vivre, accompagne sa mue. Elle est très joliment incarnée par Aimée Lou Wood (Sex education).

Le scénario tient longtemps l’émotion à distance, ne nous dévoilant que par fragments les motivations du personnage principal, avant d’accompagner le moment de bonheur final de Mr Williams, en lien avec l’enfance, le don de soi et la libération d’un quotidien mortifère.

À la fois délicat, retenu, et finalement bouleversant, ce film subtil laissera sans doute certains sur le bord du chemin. Il n’a pourtant rien d’un mélodrame convenu ou plombé. C’est un hymne à la générosité comme moteur et joie de l’existence. On sort du film avec l’envie d’embrasser ses proches autant que la vie qui nous est donnée.

Philippe Arnaud

 

 

Musique contemporaine

Troisième livre d’orgue

Jacques Lenot (compositeur) et Jean-Christophe Revel (interprète, orgue), L’oiseau prophète, 2022.

 

La rencontre avec Le livre de la Pauvreté et de la Mort de Rainer Maria Rilke, préfacé et traduit par Arthur Adamov, a profondément marqué le compositeur Jacques Lenot. Le Troisième livre d’orgue, écrit en 1994, remanié en 2017 et enregistré en 2022 sur l’orgue Cavaillé-Coll de l’abbaye de Royaumont par Jean-Christophe Revel, en est l’émanation musicale bouleversante.

Comme un écho à l’œuvre du poète, c’est la quête existentielle de l’homme, son dénuement et son détachement face à la mort qui ont conduit le compositeur à écrire cette pièce saisissante nous entraînant au fond de notre être dans une vision d’éternité. La citation de Jean 3.14-16, que l’organiste Jean-Christophe Revel, le complice musical de toujours et l’interprète génial et sensible, met au début de son commentaire, témoigne de l’intense spiritualité qui se dégage de l’œuvre.

À l’auditeur de se laisser saisir lui aussi par la beauté envoûtante de ces quatorze pièces hors du temps, où les notes tenues alternent avec des traits éthérés et célestes, où les phrases de choral se devinent derrière les grappes d’accords et les motifs tourbillonnants.

Béatrice Verry

 

 

Musique classique

Quintettes suisses

Gustave Doret - Frank Martin - Fritz Bach, Melos Ensemble de Vienne - Adalberto Maria Riva, piano, Cascavelle VEL 1677, 2022.

Après deux quintettes d’un grand lyrisme des compositeurs suisses Gustave Doret et Frank Martin, joués admirablement, le Poème pour piano, deux violons, alto et violoncelle de Fritz Bach (1881-1930) évoque en cinq mouvements les cycles de la vie : Jeunesse, Amour, Bonheur, Douleur, Luttes.

Animé d’une foi profonde, Fritz Bach opposera, dans Luttes, au psaume Du fond de ma détresse le choral de confiance en Dieu Was Gott tut das ist wohlgetan (De quoi t’alarmes-tu mon cœur), qu’il traduit intégralement dans la partition.

Béatrice Verry

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