godly play
Rencontre avec Sylvie Andre Terramorsi, qui nous explique en détail la méthode de catéchèse Godlyplay.
Catéchète depuis 24 ans à Bergerac, j’ai rejoint le Service National de Catéchèse de l’EPudF en 2016.
J’ai découvert Godly Play dans le cadre d’un week-end de formation autour de Richard Gossin, pasteur de l’UEPAL et auteur de « L’enfant théologien ». Puis, j’ai suivi une formation de 3 jours, dispensée par des formatrices suisses (seules accréditées à ce jour par la Fondation Godly Play pour dispenser des formations en français), dont Caroline Baertschi-Lopez, autrice de « Les Enfants, portiers du royaume ». Je suis membre du conseil d’administration de la toute nouvelle association Godly Play France, et entamerai une formation afin de devenir formatrice à mon tour, en septembre 2020.
Je ne suis pas théologienne, j’ai l’habitude de dire que je suis une catéchète « de base », ce qui n’est pas péjoratif selon moi, mais exprime un enracinement dans le concret, pour rejoindre les enfants dans ce qu’ils sont. Leur faire une vraie place afin qu’il se sentent heureux dans notre Eglise et dans la découverte de Dieu et de la Bible a toujours été une priorité.
Après des années de créativité pour essayer de mettre en phase des outils avec ma réalité locale qui n’a cessé d’évoluer (plus de dissémination, familles moins disponibles avec des besoins nouveaux et des profils très variés, effectifs réduits…), la méthode Godly Play a eu un écho très fort en moi : Tout semble tourner autour d’une narration biblique racontée avec du beau matériel mais c’est bien plus que cela… La pédagogie montessorienne est très présente et incroyablement « efficace » et une grande place est faite à l’émerveillement. Rien que ce mot « émerveillement » m’a conquise avec ces questions qui commencent toutes par « Je me demande… » et qui laissent une incroyable liberté à l’enfant. Mais reprenons au début : Qu’est-ce que Godly Play ?
Présentation de Godlyplay
Tout d’abord, Godly Play n’est pas TOUT ! En introduction de son « Complete Guide to Godly Play, Jérome Berryman, Pasteur créateur de la méthode, écrit ceci : « Pour aider à comprendre ce qu’est Godly Play, nous pouvons aussi voir ce que Godly Play n’est pas. D’abord, Godly Play n’est pas un programme complet pour enfants. Les célébrations de Noël, l’école biblique de vacances, les choeurs d’enfants, les groupes d’enfants et de jeunes, les retraites parent-enfant, les pique-niques, les possibilités de rendre service, le programme des jours de la semaine, et d’autres éléments d’un vibrant ministère pour enfants sont tous importants et n’entrent pas en compétition avec Godly Play. »
Et si on y réfléchit bien, aucune méthode de catéchèse ne peut tout faire. Dans le cas de GP, il s’agit de faire vivre aux enfants une expérience spirituelle riche, de leur faire découvrir un langage chrétien, à partir d’histoires bibliques, en partant du principe que les enfants ont un sens inné de la présence de Dieu et une réelle capacité de réflexion. L’un des principes de Montessori étant que l’enfant n’est pas un vase qu’on rempli mais une plante qu’on arrose.
Les 3 livres cités plus haut expliquent en détail la démarche, que je vais essayer de résumer, à partir de mon expérience, comment s’articulent le lieu, le matériel, les narrations et le déroulement.
Pour moi, tout commence avec le lieu. En installant une petite salle dédiée à Godly Play, j’ai moi-même été surprise par la puissance de cet espace pour les enfants et pour moi : Une salle chaleureuse, organisée autour d’un cercle de coussins ; des étagères à hauteur d’enfants sur lesquels du beau matériel est disposé dans des paniers ou sur des plateaux ; du matériel créatif. Comme la plupart de nos Églises locales, nous avons peu de moyens. Tout le mobilier a été récupéré, moquette et coussins ont été achetés à petit prix et le matériel en bois a été fabriqué par des paroissiens artisans. Dans le guide officiel, on parle de salle « sacrée ». Ce n’est pas un vocabulaire avec lequel je suis à l’aise mais je constate que les enfants ont conscience qu’il s’agit d’un espace particulier, mis à leur disposition et dont ils prennent soin. Le matériel ne doit pas être un frein. Jérôme Berryman, lui-même a commencé avec des bouts de ficelles et recommande à chacun de se lancer avec ce qu’il peut.
Dans une séance Godly Play, il y a un cadre et dans ce cadre, les enfants sont libres. Voici le déroulement, tel que nous le pratiquons 1 fois par mois depuis bientôt 2 ans.
Déroulement d’une séance Godly play
Il y a toujours deux adultes qui accompagnent la séance : Le portier et l’animateur. Le portier accueille chaque enfant, au seuil de la pièce, et lui demande s’il est prêt. Une fois entré, il est accueilli par le narrateur et invité à s’asseoir dans le cercle. L’un d’entre eux est désigné pour mettre à jour l’horloge liturgique : Sur un poster de 1m sur 1m, collé au mur, se trouve un cercle formé de 52 sections représentant les dimanches de l’année. Noël, Pâques et Pentecôte sont identifiés ainsi que l’avent, le Carême et les 6 semaines après Pâques. On place la flèche sur le dimanche en cours pour se situer dans l’année. Ce cercle de l’année liturgique donne des repères.
L’animateur raconte une histoire biblique. Il n’est pas un conteur. Il offre une histoire apprise par cœur, une narration du texte biblique, en portant son regard sur les objets qu’il manipule, sans croiser le regard des enfants, afin de focaliser toute l’attention sur l’histoire. La traduction de l’américain est en effet un enjeu de la mise en place de GP en France et je ne m’interdis pas de retraduire et modifier la narration quand cela me semble pertinent. La Bible est présente sur l’étagère « Focus » (au centre, visible dès qu’on entre) et ils savent que l’histoire vient de là. Quand ils seront prêts, ils iront lire eux-mêmes. En plus de 20 ans de catéchèse, je n’ai jamais vu une telle attention des enfants sur des histoires bibliques.
C’est le temps où l’animateur pose des questions aux enfants qui commencent toutes par « Je me demande... » : - « Je me demande quelle partie de cette histoire vous avez préférée ?», « je me demande quelle partie de cette histoire est la plus importante ? », « je me demande où vous êtes dans cette histoire et quelle partie parle de vous ? »… - «Je me demande si le semeur a un nom ? », « je me demande si le semeur est heureux quand les oiseaux mangent les semences ? »… Il ne s'agit pas de vérifier la compréhension ou de transmettre une interprétation mais de laisser l'enfant cheminer et se poser des questions d'ordre spirituel. Je ne fais que reformuler les réponses pour être sûre d’avoir bien compris et permettre aux autres enfants de rebondir. J’adore ce moment car les enfants prennent les questions très au sérieux et, une fois qu’ils ont compris qu’il n’y avait pas de « bonne réponse », ils livrent avec confiance des réflexions souvent étonnantes et parfois même bouleversantes. Parfois, j’aurais envie de partager avec eux ma propre réponse aux questions pour leur montrer que je m’interroge aussi sur le texte. Mais cela influencerait trop leurs propres perceptions et viendrai plaquer une réponse d’adulte forcément perçue comme meilleure.
Les enfants sont invités à répondre à l’histoire. Ils peuvent le faire de plusieurs façons : en jouant, en bricolant, en dessinant, en lisant, en ne faisant rien : Chacun choisit son moyen d'expression. C’est drôle parce que les enfants sont d’abord désorientés par cette liberté, d’autant plus que nous ne leur demandons pas de faire obligatoirement quelque chose sur l’histoire du jour. Loin d’être du « n’importe quoi », c’est une façon de faire des connexions qui leur appartient. J’aime citer l’exemple d’un petit garçon de moins de 5 ans, venu pour la 1ère fois. Il prend de la pâte à modeler, la pause d’autorité sur son plateau et dit « moi, je vais faire Dieu ! ». Les autres réagissent en lui disant que c’est impossible, ce qui ne l’empêche pas de créer consciencieusement la forme voulue, puis de la remettre en boule avant de la ranger. Quelle liberté ! Quel adulte s’autoriserait une telle appropriation ? Une petite fille a préféré jouer avec le matériel à disposition et m’a raconté une histoire à elle : Dans son histoire, Dieu (représenté par une figurine du christ debout, les bras ouverts) mourait et on l’enterrait dans le sable. Alors, les hommes faisaient n’importe quoi, il y avait la guerre partout. Finalement, Dieu redevenait vivant et les hommes faisaient la paix. Il y avait dans cette histoire un chemin qui n’appartenait qu’à elle et qui mettait en relation Dieu, la mort, la guerre et les hommes. A aucun moment je ne suis intervenue, j’étais juste spectatrice et je me suis vraiment demandée où elle avait puisé ces notions dans les narrations que je lui avais racontées. Mais pour elle, cela avait beaucoup de sens et elle jouait avec des questions existentielles majeures.
C’est un temps où un enfant aidé du portier sert un biscuit et une boisson. Chez nous, c’est souvent des fruits car il est midi. Très rapidement, les enfants ont compris que cela ressemblait à la Cène surtout qu’on attend que tous soient servis avant de manger. C’est l’occasion de discussions informelles et de vivre un moment de partage joyeux. La prière n’est pas identifiée comme un temps à part, elle vient souvent clôturer le festin. Nous allumons une bougie et la prière prend des formes différentes. On essaye d’utiliser les objets qui nous entourent pour matérialiser une personne pour laquelle on veut prier ou une émotion ou encore une intention (Merci, pardon, s’il te plaît). Silencieuse ou à voix haute, en toute liberté.
Il s’agit de dire au revoir, mais également de permettre de vivre une bénédiction finale. Ils viennent vers moi un par un et repartent avec une petite phrase personnalisée « Dieu te bénit, passe une bonne semaine ». C’est très nouveau et très étonnant pour moi mais je ressens profondément l’importance de ce moment. |
Depuis septembre 2018, nous avons accueilli 17 enfants en tout (3 à 9 par séance) entre 5 et 10 ans. Nous suivons l’intégralité du déroulement et percevons à quel point l’aspect « rituel » est important pour les enfants. Chaque séance dure environ 1h15, en fonction du temps passé sur les questions d’émerveillement.
La question de l’âge m’est souvent posée. Dans l’absolu, il n’y a pas d’âge pour pratiquer GP et j’ai rencontré récemment des narratrices qui le pratiquent en établissements privé de la maternelle à la troisième. En revanche, une certaine homogénéité d’âge est nécessaire et même si la tranche d’âge est large, comme c’est le cas pour nous, il est important que chaque enfant ait au moins un alter ego. Cela se ressent fortement sur les questions d’émerveillement ou le niveau d’échange n’est pas le même selon, la maturité des enfants. De même, il n’y a que 2 adultes dans la salle (portier et narrateur) et surtout pas de parents ! Pour expliquer ce que nous vivons avec leurs enfants, nous avons fait des séances de parents.
Une autre difficulté se pose, celle du lien avec la communauté. Depuis la rentrée 2019, nous essayons d’organiser à nouveau des journées familiales, un dimanche par mois : Rendez-vous au temple pour le culte. Les enfants participent à la louange et reçoivent un court message du pasteur. Ensuite, nous les emmenons pour la séance GP, au centre paroissial, où les parents viennent les chercher vers 12h15. Repas partagé et activité l’après-midi sont proposés aux volontaires. C’est une façon de ne pas trop séparer les générations.
Pour conclure, j’insisterai sur les bénéfices pour les enfants mais aussi pour moi, catéchète.
Pour les enfants, le premier constat est qu’ils viennent avec plaisir et réclament même plus de séances. Autre point important dans notre Eglise locale, nous accueillons sans problème les enfants de passage (notamment les petits-enfants des paroissiens). Je pense que ce qui se vit est réellement profond et que les différentes étapes du déroulement leur permettent d’expérimenter des temps de réflexion, de jeu, de spiritualité et d’amitié uniques.
La pédagogie utilisée est vraiment adaptée aux enfants quel que soit l’âge puisque l’interprétation se fait avec eux, quelque soient leurs connaissances préalables, leurs compétences personnelles, leurs pratiques religieuses.
De mon point de vue de catéchète, l’aventure GP est extraordinaire. J’étais un peu inquiète quand j’ai fait ma formation, de l’aspect figé et très codifié de la méthode mais cette inquiétude a rapidement été balayée, chacun étant invité à adapter les mots et les gestes à la pratique de son Eglise, en toute liberté. J’ai vraiment l’impression que cette méthode si bien conçue me donne confiance ne moi, me nourrit, laisse de la place aux silences, à la prière, aux réflexions théologiques.
Ce qui m'émerveille vraiment, c'est qu'une fois le cadre posé (Hélène et moi en sommes les garantes), Les enfants ont toute liberté pour s'approprier les récits bibliques à travers leurs réponses à des questions ouvertes, la manipulation du matériel, la création et le jeu. Ils sont acteurs de leur propre spiritualité, nous ne sommes que des accompagnatrices. Au fil des séances, cette liberté se construit, c'est un apprentissage pour eux et pour nous.