Protes'Temps-Culte

La cène, un repas où Dieu seul agit !

12 décembre 2017

Le mot « cène » signifie repas. Les récits de repas sont nombreux dans la Bible, on évoque le nombre de 729, mais un particulier a retenu l’attention : c’est le repas de Jésus avec ses disciples dans la chambre haute, la veille de son arrestation, où Jésus donne un sens nouveau à la célébration pascale juive en disant « ceci est mon corps... ». La célébration de la Pâque juive fait mémoire d’une libération. La cène célébrée par Jésus dans ce contexte dit la volonté constante de salut de Dieu pour les êtres humains, salut reçu en Jésus Christ.

La cène est un sacrement pour trois raisons : la première, c’est qu’elle est un signe visible de la grâce invisible de Dieu ; en second, parce qu’on retrouve dans la Bible des paroles d’institution dites par Jésus Christ et enfin parce qu’elle a un caractère universel : elle est accessible à tous les présents au culte.

Ce que la cène n’est pas

Pour les réformés, la cène n’est pas un mémorial ni une réitération du sacrifice de Jésus. C’est pourquoi on ne parle pas d’autel mais de table de communion ; la table peut avoir d’autres usages… en général elle porte une Bible, qui disparaît les dimanches avec cène, au pied de la table, ou pire dans la sacristie ! La cène n’est pas seulement un acte de mémoire ; elle redit la grâce de Dieu par la présence du Christ représenté par le pain et le vin. La cène n’est pas seulement une eucharistie, car l’eucharistie signifie « rendre grâces » ; Jésus rend grâces, rompt le pain et le distribue... l’eucharistie est donc le début de la liturgie de la cène. La cène n’est pas « sainte » car le mot biblique est bien « cène ».

Les réformés insistent sur la communion avec Dieu et

avec les autres@Eglise Unie du Canada

Quelle présence du Christ pendant la cène ?

À la différence des catholiques qui considèrent que le pain et le vin « consacrés » sont corps du Christ pendant et après la célébration, les protestants ont des interprétations variées. Pour les luthériens, le pain et le vin restent tels mais sont aussi corps et sang du Christ pour celui qui les reçoit au moment de la cène. Pour les réformés qui se reconnaissent dans Zwingli, le pain et le vin symbolisent le corps et le sang du Christ. Le Christ est présent par l’Esprit pendant la cène ; celle-ci rappelle aux fidèles le don du Christ pour leur salut. Pour les réformés qui s’inspirent de Calvin, il n’y a pas de changement de substance du pain et du vin. Le Christ se rend présent au moment de la cène par l’Esprit. Au-delà des différences évoquées ci-dessus, il est important de souligner que, pour les protestants, le Christ est présent au moment de la cène. Celle-ci peut alors être vue comme le prolongement de la liturgie de la Parole (lectures bibliques et prédication), où le Christ est aussi présent par son Esprit.

Quel rythme ?

Vous l’avez constaté, la cène n’est pas célébrée au cours de chaque culte. Elle est souvent mensuelle, bimensuelle ou trimestrielle… chaque église locale a son rythme ! Pour ceux qui trouvent qu’il n’y en a pas assez, on peut se souvenir qu’à la suite de Zwingli en Suisse, ou de Calvin en France, les réformés célébraient la cène seulement quatre fois par an. Pourquoi ? Pour souligner qu’en théologie réformée, c’est l’annonce de la Parole qui est au centre du culte. À la suite de Luther et de Calvin, on peut penser que la fréquence de la célébration de la cène doit être régulier compte-tenu de sa vertu « pédagogique » qui est de rappeler la grâce première de Dieu, soutien pour la foi du croyant et ciment de la communauté.

Sainte-Cène à l'église luthérienne de Saint-Pierre-le-Jeune

(Strasbourg)@Wikimedia.org

La place de la cène dans le culte

La liturgie, au sens moderne du terme, correspond à l’ordre du culte. La cène trouve sa place après la liturgie de la Parole et après la confession de foi de l’Église. La célébration de la cène suit une même liturgie :

 

L’introduction et la préface : il s’agit de louer Dieu pour l’universalité de son œuvre, pour la pérennité de son amour, pour son fils Jésus Christ, ressuscité et sauveur du monde.

Rappel de l’institution : souvent l’officiant lit les paroles prononcées par Jésus lors de son dernier repas avec ses disciples (Mt 26,20 et 26-29 // ou 1 Co 11, 23-26).

 

Prière de communion : invocation de l’Esprit et Notre Père. C’est une prière adressée à Dieu pour que, par son Esprit, nous soyons en communion avec Jésus Christ. Autrement dit : nous demandons à l’Esprit de rendre réelle la présence de Christ. Nous prions ensuite avec le Notre Père, prière « instituée » par Jésus.

 

Invitation : L’officiant invite ceux qui reconnaissent Jésus Christ comme Seigneur à participer à la communion. Il est important de rappeler que, contrairement à ce qui a pu se faire autrefois, nul besoin de l’autorisation du pasteur pour communier ; le baptême n’est pas non plus une condition nécessaire pour participer. Les chrétiens de confessions non-protestantes sont également invités à la communion. L’officiant donne en général des indications pratiques à la fin de l’invitation, sur l’organisation spatiale (en cercle, à sa place…) et sur le contenu des coupes, gobelets divers et variés…

 

Fraction, élévation et communion : L’officiant actualise les paroles d’institution de Jésus (souvent en citant 1 Co 10,16) ; il rompt le pain et élève la coupe.

 

Prière d’action de grâces et envoi : Cette prière d’action de grâces qui suit la communion répond à la grâce de Dieu manifestée en Jésus Christ. Par la prière, l’officiant exprime la joie des fidèles pour la présence de Christ dans nos vies.

 

La cène, acte individuel ou communautaire ?

Au moment de la cène, nous sommes invités à entrer en communion avec Dieu et avec les autres. En effet, la participation à la cène est un véritable engagement individuel : celui qui mange le pain et boit le fruit de la vigne (vin ou jus de raisin) accepte et souhaite la présence de Jésus-Christ dans sa vie ; il confesse que Jésus est le Seigneur. Pour Luther, la dimension individuelle est essentielle : le but de la cène est de fortifier la foi du croyant, de dire la rédemption obtenue par la croix du Christ. Ceci explique le geste de la distribution des espèces en file, les uns derrière les autres. Pour les réformés, l’officiant invite souvent l’assemblée à se regrouper autour de la table de communion. Le caractère communautaire est souligné : ceux qui prennent la cène communient avec les autres, et donc constituent l’Église. Zwingli voyait dans la cène un acte essentiellement communautaire où la réalité intérieure de la foi devient visible : c’est le lieu de visibilité de l’Église. Il écrit dans Fidei Ratio que la cène nous associe « de façon visible à l’Église en laquelle nous avons été reçus auparavant de façon invisible ». La cène est donc un moment à la fois individuel et communautaire d’accueil de la présence du Christ. Je pense qu’on peut aussi souligner le caractère fraternel de la cène, qui est le seul moment où des personnes très différentes réunies par leur foi partagent un repas.

Qui peut célébrer la cène ?

Chez les réformés, l’officiant, qu’il soit laïc ou pasteur peut célébrer la cène. Pourtant, les fidèles demandent souvent que la cène soit célébrée par un pasteur. Est-ce l’influence catholique ? Il faut oser le dire, le pasteur n’apporte rien de spécifique à ce moment de la célébration, car c’est Dieu qui agit dans le sacrement !

 

Corinne Gendreau,
Pasteure du Bassin d’Arcachon.

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