Église et handicap

La communication « totale »

31 décembre 2020

Comment communiquer en paroisse afin que chacun trouve sa place

Difficile, un vrai pari de donner une vraie place aux personnes avec un handicap mental dans nos cultes. Je commence par un souvenir dans ma paroisse aux Pays-Bas. Le pasteur avait voulu donner une place à un jeune homme porteur de trisomie, et puisque celui-là aimait beaucoup le tambourin, on lui avait demandé d’accompagner tous les cantiques avec son tambourin. Cela a eu l’effet contraire de celui désiré. Sa présence provoquait des soupirs de lassitude dans l’assemblée : « il est encore là, tous les chants vont être bruyamment couverts par son tambourin ». Cela gâchait le plaisir de toutes les autres personnes présentes. Et bien sûr, personne n’osait rien dire, car qui pouvait vouloir interdire que ce jeune homme s’exprime, lui qui était visiblement si heureux de le faire, qui allait brimer le bel élan évangélique de ce pasteur qui avait voulu lui donner toute sa place ? Et même moi, qui à l’époque venais parfois avec mon propre enfant en situation de handicap, j’étais mal à l’aise. Comme si « handicap » rimait forcément avec « gênant, à supporter par charité chrétienne, mais on aurait quand même été mieux sans ». Cette manière d’accueillir une personne avec un handicap m’est restée comme l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire : la bonne volonté ne suffit pas pour donner une vraie place à chacun.

Communication « totale » veut dire faire appel à tous les sens : l’ouïe, la vision, le toucher, le goût, l’odorat. Elle vise à être proche de l’autre en utilisant non seulement les mots qu’il aura du mal à comprendre, mais à l’atteindre aussi par d’autres moyens : le ton de la voix, des gestes, l’attitude. Elle peut être soutenue par des pictogrammes, des figurines, des supports visuels. Elle ne doit pas être ressentie comme puérile. Simplicité ne veut pas dire absence de profondeur.

Un aspect qui compte autant que le contenu et la structure d’un culte. Pour des personnes avec une déficience mentale les repères sont importants. La liturgie de base avec ses moments fixes et reconnaissables forme un très bon support.

Les moments-clés du culte peuvent être un peu plus marqués, ritualisés. Peut-être qu’une personne avec un handicap mental peut allumer la bougie au début du culte et la souffler à la fin, aller chercher la Bible pour la lecture, participer à l’offrande. Jouer du tambourin, mais seulement à un moment où cela rajoute un plus. On peut utiliser une forme interactive pour la prière avec un refrain facile repris par l’assemblée, ou en demandant au début s’il y a des personnes ou des situations pour lesquelles les participants veulent prier ; il s’agit de créer une ambiance de confiance, de proximité, de sécurité.

Maintenant, une paroisse ne se limite pas au culte dominical. Il y a d’autres lieux et moments où cette même recherche de communication « totale » peut avoir sa place. Il est plus important encore qu’avec d’autres personnes qu’un espace soit chaleureux, que les chaises soient disposées en cercle si possible, qu’on prenne le temps d’accueillir chacun. Accueillir, c’est par exemple nommer les personnes au début et à la fin d’une activité sans oublier de les regarder. Il est souvent difficile pour des personnes avec un handicap mental de mettre de l’ordre dans une grande quantité d’informations, de bruits, d’activités proposées, de personnes différentes qui sont autant de stimuli à provoquer des sentiments qu’il faut gérer. Il faut donc construire une activité avec une structure, car un rituel propre crée un cadre de sécurité. Et pour revenir à mon premier exemple, vous pouvez aussi mettre des limites comme pour toute personne. Au lieu de le brimer, cela l’aidera à se sentir en sécurité ; il ne sera pas « supporté » dans le mauvais sens du mot. Il pourra apporter sa contribution unique à lui, en en cela il pourra enrichir la communauté de toutes et de tous.

Ottilie Bonnema
pasteure à la Fondation John Bost

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