Revel

Le désir et l’amour : une leçon de Luther pour aujourd’hui

01 juillet 2017

Dans le cadre des 500 ans de la Réforme, Jean-Daniel Causse, professeur de psychanalyse à l’université Paul Valéry de Montpellier est venu donner une conférence au temple de Revel le 11 mai sur le désir et l’amour. Il a montré comment la pensée de Luther s’inscrit et se détache de celle de son maître, Augustin.

Saint Augustin a développé une théorie du désir complexe et ambivalente. Il pensait le désir sexuel dans le cadre du péché originel. Le désir sexuel est le lieu par excellence de la nature pécheresse de l’homme. La transmission du mal se fait par la procréation. Puisque la sexualité est vectrice du péché originel, Augustin va donc poser la chasteté en idéal. Luther contestera ce point. Pour lui, la chasteté n’est pas supérieure à la conjugalité : il n’y a pas de lien entre chasteté et salut. Il donne une place centrale à la conjugalité et au mariage.

La gratuité

Luther garde la même conception de l’amour qu’Augustin : l’amour n’est rien d’autre que pure jouissance de l’être aimé ; l’amour relève d’un processus de désintéressement. Cela est à l’opposé de la logique de notre monde marquée par l’intérêt ; amour compris. Dans notre monde, il se place dans la perspective d’un intérêt réciproque. Or l’amour n’a pas d’autre lieu que l’espace d’une gratuité. L’amour arrache le sujet à l’amour de soi-même.

L’amour n’a pas d’autre lieu que l’espace d’une gratuité

Le manque

Le mot désir peut être remplacé par le mot manque. On aspire à quelque chose qu’on n’a pas ; il en est de même dans l’amour. Selon la formule de Lacan : « L’amour consiste à donner ce qu’on n’a pas », c’est-à-dire faire à l’autre don de son manque, de sa fragilité. C’est ce que fait Dieu. Il n’aime pas à partir du plein de son être mais de son manque : Dieu s’est vidé (Philippiens 2,7), il s’est fait manque. Dans l’Épitre aux Éphésiens, la métaphore nuptiale est utilisée pour signifier le rapport entre le Christ et le croyant. Luther parle du « joyeux échange » : le péché contre le salut ! L’homme donne sa misère, ses carences, ses fautes. Le Christ, lui, sauve en se dépouillant lui-même. C’est un rapport de manque à manque. Cela ressemble, si on veut prendre une image, à ce qui se passe dans le Cantique des Cantiques. Les amants n’en finissent pas de se chercher, de se trouver et de se perdre à nouveau : Il était là, il n’est plus là ; « je l’ai cherché et ne l’ai point trouvé ». La relation est soutenue par ce qui toujours échappe.

La dépendance

La foi est exactement comme l’amour. Elle est une rencontre existentielle. Elle ne tient pas à des savoirs. Et, surtout, on ne décide pas de croire ! La foi, c’est ce qui nous arrive. Elle nous fait dépendre d’un autre. Ce qui dépend de nous, c’est seulement l’acceptation de cette dépendance. Notre vie aussi dépend d’un autre. L’amour a un effet de décentrement : on s’expose, on expose sa fragilité, sa nudité à un autre qui n’est pas soi.

Des spécificités

Luther et la religion protestante ont revalorisé la sexualité et le corps. On existe dans un corps comme être de désir. Le corps a été ordonné pour être lié à de l’autre. Le statut conjugal relève de l’ordre de la création. Le mariage, autre spécificité, va de pair avec le divorce. La rupture est toujours possible. Notamment en cas d’adultère, d’impuissance ou de refus de la relation sexuelle. La conjugalité est mise à l’épreuve du temps. L’amour est considérée comme un processus, une construction, une élaboration. Enfin, dernière spécificité, la conjugalité est valorisée pour elle-même indépendamment de la filiation. Le couple a une existence par lui-même. Il n’existe pas en vue de la filiation.

Edwige Malberg,
Église réformée du Lauragais.

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