À tous les habitants de Saône-et-Loire

Message de paix

01 septembre 2021

Pour la 8e fois depuis 2006 (voir p. 28), des représentants des bouddhistes, des juifs, des chrétiens et des musulmans de Saône-et-Loire se sont réunis au Carmel de la paix à Mazille. Nous avons choisi le thème : Le pardon : un risque à prendre, un don qui engage l’avenir.

Nous restons animés par le désir de contribuer ensemble à l’avènement de la paix dans le monde, en commençant par notre lieu de vie. Nous en sommes tous convaincus : il n’y a pas de paix sans pardon. L’humanité n’a pu subsister que parce que des hommes, des femmes, des peuples entiers se sont pardonnés. Le travail de vérité, l’exercice de la justice demeurent indispensables, mais le pardon va au-delà. Il vise à desserrer l’étau de la haine pour ouvrir l’avenir. Il accepte de ne pas réduire l’autre à ses actes et d’entreprendre un chemin nouveau avec lui. C’est le risque de la confiance redonnée, un pari audacieux.

Sur cette route, que tous s’accordent à reconnaître d’une immense exigence, chacune de nos traditions a son approche particulière.

© Michel Pellat-Finet

Pour les bouddhistes, il s’agit de considérer que « l’agresseur » est sous l’emprise d’une émotion négative, la colère, qui le submerge. C’est à moi, « l’agressé », de me libérer intérieurement de l’aversion, par les pratiques de méditation. Le pardon est donc le fruit d’une libération intérieure, l’aboutissement d’un travail sur soi, qui rend de nouveau disponible pour l’avenir.

Pour les juifs, toute faute à l’égard de l’homme est une faute à l’égard de Dieu : ainsi le jour du Kippour – où sont pardonnées nos offenses à Dieu – est précédé de dix jours où nous devons pardonner et nous demander pardon pour nos fautes les uns envers les autres.

Il y a dans le commentaire du Talmud sur le récit du veau d’or – la pire faute commise à l’égard de Dieu – une notation extraordinaire : à la vue de l’intercession insistante de Moïse pour son peuple voué par son crime à la destruction divine, Dieu lui dit : « Tu m’as appris quelque chose que je ne savais pas : le pardon ! »

Pour les chrétiens, Jésus, le Christ, a accepté de mourir crucifié plutôt que de renoncer à annoncer l’amour de Dieu pour l’humanité. Prenant sur ses épaules tout le mal du monde, il l’a plongé avec lui dans la mort. Par ce passage, il a ouvert à tous un chemin de libération, de pardon, de vie. Pour en témoigner, nous sommes appelés à vivre le pardon, avec l’aide constante du Christ. Parfois, la souffrance est trop intense, le crime trop indescriptible, il nous est impossible de pardonner. Alors, comme Jésus sur la croix, nous pouvons remettre ces personnes dans les mains de Dieu, pour que Lui pardonne là où nous ne pouvons pas.

Pour les musulmans, c’est Dieu qui a l’initiative du pardon. Il connaît notre faiblesse, l’emprise du mal sur nous. Pour cette raison, il nous rappelle tout au long du Coran qu’il est le Pardonneur et le Miséricordieux. Le pardon est donc un thème primordial dans l’Islam. Et Dieu qui accorde sa miséricorde aux hommes les incite à imiter leur Créateur et à se pardonner mutuellement.

Si la justice demande réparation, le pardon nécessite un projet commun pour surmonter le passé.

Pour nous tous, le pardon est donc à la fois un acte de liberté, qui refuse que le passé soit germe de mort pour l’avenir et en même temps il ne se décrète pas. Pour les croyants, afin qu’il soit total, sans oubli, mais sans ressentiment, il doit se recevoir de la miséricorde de Dieu.

Habitants de Saône-et-Loire, nous vous invitons à prendre avec nous le risque de cette aventure. Chez nous comme ailleurs, beaucoup de blessures sont à guérir, entre confessions religieuses, sensibilités spirituelles, philosophiques ou politiques, dans nos familles, nos communautés, nos villes ou villages... Seul le pardon – reçu et offert – nous libérera du poids de ces blessures, les empêchera de se transmettre aux générations suivantes.

Prenons avec courage ce chemin qui ouvre l’avenir à la Paix, à laquelle nous aspirons tous !

proclamé au Carmel de la paix à Mazille, le 6 juin

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