Pour contre

Transmettre la foi

29 avril 2020

Certains pensent que la foi est le fruit d’enseignements. Et que ça serait la solution pour remplir les Églises. Mais est-ce que la foi se transmet vraiment ?

POUR

Certains pensent que la foi se transmet par un apprentissage de leçons. Elle est le fruit d’un catéchisme. Il faut donc connaître au mieux sa Bible et ses enseignements.

Finalement, c’est assez simple : il suffirait de respecter les dogmes, les règles que l’on trouve dans la Bible pour avoir une foi vivante.

Dans cette perspective, la prédication est un enseignement pour la vie courante. Le prédicateur s’attache à expliquer ce qui est bon ou mauvais, à penser, à faire.

Le système fonctionne. Il n’est pas nouveau, puisqu’il colle entièrement avec ce que faisait l’Église au XVIe siècle. Délivrer un catéchisme avec le contenu de la foi, penser à la place des fidèles, diriger les âmes et les consciences, ramener les brebis égarées dans le troupeau des fidèles.

L’avantage d’un tel système est qu’il est simple, efficace : la foi se trouve chez ceux qui sont dedans, comprenez ceux qui respectent et vivent selon le contenu de la foi. Les autres sont dehors. Ils représentent l’échec de la vie dans la foi.

Aujourd’hui, est-ce encore possible de penser la foi ainsi ?

 CONTRE

Je pense au moins à trois raisons pour lesquelles je ne suis pas d’accord pour affirmer que nous pouvons transmettre la foi à une autre personne.

-       La première est d’ordre factuel, de l’ordre de la constatation, de l’ordre du réel. C’est que je vois beaucoup de parents qui me disent ne pas avoir pu transmettre « leur » foi à leurs enfants. En effet, sinon, disent ces parents, nos enfants seraient là, engagés comme nous dans l’Église.

-       La deuxième est d’ordre psycho-philosophique. En effet, à mon avis, la foi est une décision personnelle plutôt qu’une analyse scientifique. Comme le dit Emmanuel Kant, « J’ai limité la raison afin de laisser de la place à la foi ». Même si, pour lui, il s’agit d’une foi qui respecte les limites de la simple raison. Son idée me fait penser à Luther à la diète de Worms en avril 1521, lorsqu’il était sommé d’abdiquer, il avait répondu : « À moins d’être convaincu par les Écritures et la simple raison, je ne saurais renoncer. » Je pense que la décision de foi s’appuie sur les arguments fournis par la raison, mais ces derniers ne suffisent pas : il faut un saut supplémentaire.

-       La dernière raison relève de ma spiritualité, de ma manière de vivre la foi. En effet, pour moi, la foi n’est pas de la croyance, même si elle s’appuie souvent sur des croyances. D’après ma lecture des Écritures, et notamment des écrits de l’apôtre Paul, la foi est de l’ordre d’une relation de confiance réciproque. La foi que je vis est une sorte de confiance dans la fidélité que le Christ a vécue envers la grâce divine.

Vous me direz peut-être que tout dépend de la manière dont je définis la foi. Et vous avez raison. En effet, la définition que je donne ici n’est pas la seule qui existe ou qui fait vivre la spiritualité de chacun. Par exemple, longtemps, dans l’histoire du christianisme, les églises pensaient que la foi était une affaire de croyances objectives, de vérités auxquelles il fallait adhérer, de règles religieuses auxquelles il fallait se soumettre pour être sauvé. Le christianisme a ainsi misé sur l’instruction religieuse, sur une transmission d’un contenu dogmatique ou catéchétique, et même parfois sur l’instruction tout court pour lutter contre le paganisme et les superstitions. La stratégie catéchétique qui découle de ma définition de la foi ne consiste pas forcément en une transmission d’un contenu de la foi, que j’estime être toujours réformable et réactualisé par l’Esprit et la Parole de Dieu, mais en une invitation à la confrontation critique entre l’existence et les écritures, éclairée par les témoignages des membres de l’Église universelle.

Corinne Gendreau et Mino Randriamanatena
pasteurs du comité de rédaction

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