Portrait biblique

La prière d'Anne, une femme forte, précurseure de Marie

25 novembre 2023

Le Magnificat de Marie trouve son origine dans la prière d’Anne. Lorsque la jeune Marie se trouve enceinte de celui qui recevra le nom de Jésus, elle rend visite à sa cousine Élisabeth qui est également enceinte (de Jean Baptiste). En l’accueillant celle-ci s’exclame : « Dieu t’a bénie plus que toutes les femmes et sa bénédiction repose sur l’enfant que tu portes ! » (Luc 1,39-56)

Marie chante alors ce chant qu’on appelle le Magnificat dont Dietrich Bonhoeffer a dit : « Ce cantique de Marie est le plus passionné, le plus sauvage, on pourrait presque dire le cantique de l’Avent le plus révolutionnaire qui ait jamais été chanté. Ce n’est pas la douce, tendre, rêveuse Marie comme on la voit sur les images, c’est la femme passionnée, emportée, fière, enthousiaste qui parle ici... Un chant dur, fort, implacable de trônes écroulés et de puissants humiliés, de violence de Dieu et d’impuissance humaine. »
Ces paroles de Marie ont de fortes racines dans la Bible juive, notamment dans un passage dans 1 Samuel qui raconte le désespoir d’une femme stérile, Anne.


L’histoire d’Anne

Elle est mariée à Elkana, qui adeux épouses : la seconde s’appelle Péninne. Même drame que pour Rachel et Léa : Péninne a des enfants, Anne est stérile. Et Elkana a beau lui dire qu’il l’aime telle quelle, Anne souffre. C’est une famille pieuse qui monte chaque année au sanctuaire de Silo pour y prier et, une année, Anne souffre tellement des moqueries de Péninne qu’elle fuit se réfugier dans le sanctuaire pour y supplier le Seigneur de lui donner un enfant.
Le prêtre du lieu, Héli, la pense ivre parce qu’il la voit remuer les lèvres : Anne prie en silence, ce qui n’était pas habituel. Lorsque la pauvre femme lui explique sa souffrance, Héli lui fait la promesse que l’année suivante elle aura un fils. Ce sera Samuel qu’elle viendra ensuite consacrer au service de Dieu et qui deviendra le grand prophète.


Enfant venu de Dieu

Ce n’est pas par hasard que les mères en Israël depuis Sara sont des femmes frappées par la stérilité. Toutes vivent cela comme une honte, voire une punition, et elles sont souvent en butte aux moqueries de leurs consoeurs plus fertiles. La naissance d’un enfant est vécue comme une bénédiction du Seigneur, donc si on n’en a pas ? C’est que Dieu doit être fâché.
Mais il y a bien plus que cela : de Sara jusqu’à Marie, les histoires de fertilité ou de stérilité nous parlent de femmes qui enfantent non par la fertilité humaine mais par la grâce de Dieu. Il se souvient d’elles et les amène à une vie nouvelle et inattendue.
Car la grâce de Dieu fait infiniment plus que remplir nos attentes : la grâce est une histoire d’inattendus, de renouveau et de transformations. Ce qui n’est pas forcément facile : tout comme Marie doit apprendre que son fils Jésus souffrira, Anne va, à sa manière, également perdre son Samuel en le consacrant au service de Dieu.


Le chant du bouleversement

Anne, comme Marie plus tard,accepte de vivre ce bouleversement par la grâce ; elles le chantent toutes deux dans une louange où les paroles se font écho de l’une à l’autre. « Un chant dur, fort, implacable de trônes écroulés et de puissants humiliés, de violence de Dieu et d’impuissance humaine », dit Bonhoeffer avec raison. Un chant où il est rappelé qu’avec Dieu tout est possible, il n’y a pas de fatalité ou de situation désespérée. C’est l’espérance profonde du peuple de Dieu auquel Samuel va donner son premier roi : Saül. Cette espérance qui trouvera son accomplissement avec la naissance de cet Emmanuel (Dieu avec nous) qui s’appelle Jésus, ce qui veut dire « Dieu sauve ».

Elisabeth Brinkmann
Ensemble

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