Martin Bucer : l’Église comme fraternité disciplinée
Deux grandes figures du protestantisme ont marqué de leur empreinte la ville de Strasbourg : Jean Calvin et Martin Bucer. La première a eu tendance à éclipser un tant soit peu la seconde. Aujourd’hui, sa réflexion sur l’Église peut être d’un grand intérêt.
Martin Bucer naît le 11 novembre 1491 à Sélestat. A 15 ans, il entre au couvent des Dominicains. Pendant 10 ans, il étudie sans joie la théologie scolastique. Puis, il s’enthousiasme pour les écrits d’Érasme et notamment pour sa lecture des textes bibliques. À Heidelberg, en 1518, il rencontre Martin Luther et s’engage dans la Réforme. Il n’a plus qu’un désir : contribuer au rayonnement de cette piété dans laquelle l’humilité, la confiance et l’élan vers le bien forment un tout vivant et équilibré, fondé solidement sur l’Écriture et appelé à provoquer un renouveau de la vie religieuse.
Une ville
C’est à Strasbourg que Martin Bucer se met au service de la Réforme. Il commence par dispenser des cours bibliques. Très vite, il met par écrit ce qui lui semble essentiel : l’harmonie du projet divin, l’égoïsme humain qui contrecarre ce projet, le désordre qui en suit et le Christ qui instaure l’ordre divin. Pour lui, la même mission incombe à l’Église : être un lieu où règne l’ordre divin, le Royaume de Dieu et sa justice. Le Royaume est appelé à s’étendre à toute la ville, voire même à toute la nation (il développera ce point lors de son exil en Angleterre dans « Du règne de Christ »). Martin Bucer prêche le « pur évangile » : le centre du culte est la lecture, l’explication et l’application de la Parole de Dieu. Très vite est publié un premier Psautier en langue vernaculaire. Quand Jean Calvin arrive à Strasbourg, 19 recueils à l’usage du culte sont parus et un Psautier complet est disponible. C’est à ces recueils qu’il emprunte les modèles de la liturgie de l’Église française.
Une discipline
Pour Martin Bucer, l’Église est une communauté où règne la Parole, les Sacrements, l’Amour et la Discipline. De ce fait, elle est pour lui d’une part une institution divine chargée de mettre en œuvre les grands moyens de la grâce, d’autre part, une Association de croyants, une fraternité disciplinée. L’Église doit être pour le réformateur alsacien le lieu où ses membres s’efforcent de s’améliorer continuellement en pratiquant l’entraide spirituelle, une cure d’âme réciproque, une œuvre d’éducation mutuelle, pour que tous soient des chrétiens authentiques. Pour cela, il faut une discipline et il faut que l’Église soit le lieu où l’on met en pratique l’Évangile, où l’on apprend à être serviteur, à la suite du Christ. Très vite, à Strasbourg, l’accent est mis sur l’enseignement. D’abord pour les élites. Mais, très vite, le peuple demande et même exige d’être lui aussi instruit. C’est tout naturellement qu’est alors entreprise une réforme scolaire. Tous, garçons et filles, sont enseignés. Le but est de créer dans la ville une école où fleurissent les humanités. Le gymnasium Jean Sturm et la faculté de Théologie d’aujourd’hui sont nés de cette volonté des Réformateurs de se doter d’outils de formation intellectuelle.
Une confession de foi
Dès 1530, il a fallu mettre en mots la foi. Pour cela, Martin Bucer s’inspire tant de Martin Luther et de Philip Melanchthon que de suggestions de Ulrich Zwingli ou de Jean Œcolampade. Sa devise consiste à tout examiner et à ne retenir que ce qui est bon. Ce document est adopté par trois autres villes d’Allemagne méridionale, d’où son nom de Tétrapolitaine. Après avoir été le réformateur qui avait non pas tant un projet d’Église mais une vision pour sa ville, Martin Bucer, par le biais de la Tétrapolitaine, exporte le modèle strasbourgeois à d’autres villes et même au niveau d’une nation avec le livre : « Du règne du Christ ».