« Parfaitement uni, de cœur et d'âme » (Actes 4, 32).
Quelle église ne rêve pas d’une telle expérience de foi et de communion ? Quelle paroisse ne voit pas dans cette description et dans celle qui suit au v. 33, l’idéal que les Chrétiens sont appelés à incarner ? Et que voyons-nous réellement ? Nos paroisses sont trop souvent déchirées par des oppositions multiples.
Comment, depuis deux mille ans, l’Église de Jésus-Christ a-t-elle réussi à frayer sa route à travers tant de reniements, d’errances, d’excommunications, de trahisons, sans parler des divisions et des schismes !
Une nouvelle initiative apparaît ? Pour les jeunes, pour une mission, pour la vie spirituelle... Et la voilà, elle aussi, après quelques temps, gagnée par la routine, la sclérose et les rejets !
La « première » Église
Déjà Paul, Jean, Pierre en faisaient l’expérience. Eux, les champions de la foi pure, champions de la pastorale inspirée par l’Esprit, souffrent ou s’emportent contre des frères qui ne les comprennent pas, voire qui les trahissent où les abandonnent. À chaque fois une fraternité malmenée, des deuils à vivre et toujours la question : mais si nous ne sommes pas une « communauté de croyants parfaitement unis, de cœur et d'âme », notre foi, notre paroisse, notre Église peuvent-elles encore légitiment se recommander de l’Esprit du Christ ? Curieusement, dans les Actes, ce n’est ni à la Pentecôte, ni après le succès de la prédication de Pierre, ni dans la description de la communauté parfaite qu’apparaît le terme « église » … Mais c’est au chapitre 5, après que deux croyants, Ananias et Saphira, blessent la communion en mentant aux apôtres. La conséquence est immédiate : ils tombent raides morts ! C’est à dire qu’ils sont retirés, chassés, exclus de la communauté ! Quel échec pour les apôtres ! Quel échec pour les frères ! Mais voilà qu’au lieu de s’apitoyer sur la communauté pas si parfaite que cela, l’auteur des Actes termine l’histoire par cette phrase lapidaire : « Cet événement inspira une grande crainte à toute l'Église, ainsi qu'à tous ceux qui en entendirent parler. » C’est la première fois que le groupe des croyants est qualifié d’Église ! Daniel Marguerat, dans son formidable commentaire des Actes des Apôtres note : « comme si le groupe des disciples ne peut être nommé Église qu’une fois le péché manifesté en son sein. » !
Les « premiers » hommes
Calvin écrivait déjà avec humour, en parlant d’Ac. 4,32 : « ce que St Luc a récité jusqu’à présent montrait que cette compagnie qui avait été assemblée sous le nom de Jésus-Christ, était plutôt une compagnie d’anges que d’hommes… » Nous pourrions paraphraser Luther en écrivant : Dieu n’aime pas l’Église parce qu’elle est belle, mais l’Église est belle parce que Dieu l’aime ! L’Église ne peut exister qu’en renonçant à l’illusion de l’infaillibilité et de la pureté, en se sachant aimée et guérie par Dieu.
En savoir plus
Soutiens-nous afin que nous restions fidèles à nous-mêmes dans l'insuccès.
Nous avons, au jour le jour, fait ce que nous pouvions et devions.
Que cela nous suffise !
Il n'était pas permis de choisir un autre chemin, de donner un autre conseil.
Nous ne pouvons même pas souhaiter d'avoir agi autrement.
Si c'est une croix douloureuse d'être mal jugé,
Portons cette croix.
Les meilleurs l'ont portée.
Rappelons-nous le Maître.
Peut-être, par nos douleurs, comprendrons-nous mieux les siennes
Et celles de toutes les victimes des jugements obtus,
De tous ceux qui récoltèrent du mal pour avoir semé du bien,
Ou suscitèrent des haines en répandant l'amour.
(Charles Wagner, Devant le témoin invisible, Paris, éd. Fischbacher 1933)