Altruisme

Profondément humain

07 novembre 2021

L’histoire de la libération du possédé de Gérasa passe par une rencontre avec Jésus.

Rencontre où l’humain redevient humain et trouve un sens à sa vie.

Texte biblique

Marc 5,1-20 (Version Nouvelle Bible Segond)

1Ils arrivèrent sur l'autre rive de la mer, dans le pays des Géraséniens. 

2Sitôt qu'il fut descendu du bateau, un homme sortant des tombeaux et possédé d'un esprit impur vint au-devant de lui. 

3Il avait sa demeure dans les tombeaux, et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne ; 

4car souvent il avait eu les fers aux pieds et avait été lié de chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les fers, et personne n'avait la force de le maîtriser. 

5Il était sans cesse dans les tombeaux et sur les montagnes, nuit et jour, criant et se blessant avec des pierres.

6Il vit Jésus de loin, accourut, se prosterna devant lui 

7et cria : Pourquoi te mêles-tu de mes affaires, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t'en conjure au nom de Dieu, ne me tourmente pas ! 

8Car Jésus lui disait : Sors de cet homme, esprit impur ! 

9Il lui demandait : Quel est ton nom ? — Mon nom, lui répond-il, c'est Légion, car nous sommes beaucoup. 

10Et il le suppliait instamment de ne pas les envoyer hors du pays.

11Or il y avait là, près de la montagne, un vaste troupeau de cochons en train de paître. 

12Les esprits impurs supplièrent Jésus : Envoie-nous dans ces cochons, que nous entrions en eux. 

13Il le leur permit. Les esprits impurs sortirent, entrèrent dans les cochons, et le troupeau se précipita dans la mer du haut de l'escarpement. Il y en avait environ deux mille ; ils se noyèrent dans la mer.

14Ceux qui les faisaient paître s'enfuirent et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les hameaux, et les gens vinrent voir ce qui s'était passé. 

15Ils arrivent auprès de Jésus et voient le démoniaque assis, vêtu et avec toute sa raison — lui qui avait eu Légion — et ils eurent peur. 

16Ceux qui avaient vu ce qui s'était passé leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et l'histoire des cochons. 

17Alors ils se mirent à supplier Jésus de s'en aller de leur territoire.

18Comme il montait dans le bateau, celui qui avait été démoniaque le suppliait de le garder avec lui. 

19Il ne le lui permit pas, mais il lui dit : Va-t'en chez toi, auprès des tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi, comment il a eu compassion de toi. 

20Il s'en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient étonnés.

Une humanité altérée

Au début du récit, la description de « l’homme sortant des tombeaux » souligne à quel point cet homme n’est plus un homme mais une bête indomptable. Cela en raison de son lieu de vie, de son comportement, de son incapacité à vivre au milieu de ses semblables. L’être est déshumanisé et ce sont les démons qui sont maîtres à bord ; ils ont pris le contrôle sur le corps et le langage. Ce sont eux qui ont la parole dans la rencontre avec Jésus.

 

La parole des démons

Le cas du démoniaque est caricatural car seuls les démons ont la parole. Ils essaient de négocier un pacte avec Jésus, pour sortir la tête haute, sans trop de dommages.

Ce dialogue entre les démons et Jésus, eux qui connaissent parfaitement l’identité divine de Jésus nous interroge : qui parle quand je prononce des mots ? Ma conscience dans la fidélité à Dieu ou une voix autre, démoniaque, la voix de ma méchanceté, de l’opinion, des réseaux sociaux ou encore des fakes-news ?

Comment savoir ? N’a-t-on pas trop l’habitude de répéter ce que l’on entend ou ce qu’on lit sans prendre le recul nécessaire, sans exercer les filtres de la science et de la conscience et la moulinette de la foi ?

Les démons n’ont-ils pas la parole quand nous tenons des propos déshumanisants pour qualifier les plus fragiles en parlant de migrants, de pauvres… ?

Les démons n’ont-ils pas la parole quand nous véhiculons la peur au lieu de la confiance ?

En chacun de nous, comme pour le démoniaque dont le cas est caricatural car il porte une légion de démons, les démons ont la parole, malgré nous. Il est temps que je précise un peu ce que j’entends par « les démons ont la parole en nous ».

 

Les démons

Le problème des récits bibliques qui parlent de démons est qu’ils donnent l’impression que les démons sont des entités vivantes autonomes puisqu’ils parlent ; on les considèrerait presque comme des personnes. Dans ce récit, les démons passent du corps de l’homme aux cochons, on comprend que les démons sont des parasites ; ils se logent dans un corps et prennent le contrôle de la parole et des mouvements, donc quelque part de l’être entier.

Les démons ne peuvent pourtant pas être considérés comme des agents extérieurs. Car la complexité de notre être (ou conscience) porte ontologiquement la dualité raison/démon.

On ne peut pas revendiquer une irresponsabilité de nos paroles liée aux démons comme agents extérieurs. Toutes les voix qui s’expriment en nous sont les nôtres, même quand elles enferment dans des attitudes mortifères, déshumanisent les autres… ou encore quand nous reconnaissons l’existence de Christ sans pour autant vivre dans la confiance de sa présence et de l’action de l’Esprit en nous.

Jésus a su résister au diable, il n’a pas écouté la voix de la tentation de s’éloigner de Dieu pour accéder au pouvoir, à la richesse, à l’autonomie totale. Nous avons aussi à résister pour ne pas laisser les voix « démoniaques » sortir de nos bouches.

 

Libération et désir retrouvé

La parole de libération vient de Jésus. Une parole d’autorité performative. Demander à Dieu d’être libéré de ses démons ou aliénations n’est donc pas une hérésie ; si on considère que c’est Dieu qui libère, une affaire entre Dieu et moi, sans intermédiaire. La libération s’apparente à une réhumanisation ; elle provoque un retour de la parole.

L’effet immédiat de la libération est la capacité à désirer. Le désir du possédé-libéré s’exprime dans un geste de reconnaissance ; il souhaite suivre Jésus.

Une libération pour vivre enraciné

Jésus n’accède pas à la demande de l’homme qui veut partir pour le suivre. Il refuse de faire de lui un être déraciné. Il le renvoie parmi les siens comme témoin d’une libération opérée par Jésus.

Accueillir la Parole

Ce texte est un bel exemple de l’action de la Parole de Jésus. La libération de nos démons est pour nous aujourd’hui indissociable des Écritures. Rechercher dans les Écritures des paroles libératrices, en témoigner ou les faire nôtres pour remettre l’humain au centre, dans une société qui pousse à la déshumanisation. Tel est l’appel de Jésus au travers du possédé-libéré.

Corinne Gendreau
Rédactrice Ensemble

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