Témoin, Henri Nick ( 1868-1954)
Le pasteur Henri Nick, figure très connue du protestantisme dans le nord, a été quelque peu oublié dans le reste de la France, et même dans les Cévennes où il débuta son ministère. Il fut un ouvrier infatigable et inclassable. Un témoin remarquable.
Quand je suis entré au service des Églises réformées du Cambrésis, dans le département du Nord, j’ai entendu parler du pasteur Henri Nick. Son nom est absent de la pourtant très documentée Encyclopédie du Protestantisme parue en 1995 (Cerf/Labor & Fides) et rééditée en 2006. Je crois savoir pourquoi. Les grands noms du Protestantisme doivent généralement, comme les autres personnages illustres, leur célébrité à une seule –et grande– œuvre. La lutte contre la ségrégation raciale, pour Martin Luther King. La musique, pour Bach. L’engagement dans la Cimade, pour Madeleine Barot. Henry Dunant fonda la Croix-Rouge. John Bost, les asiles qui portent son nom, etc. Mais Henri Nick, par quel bout le prendre ?
Il a touché presque à tout, par amour du Seigneur et du prochain. Aumônier aux armées pendant la grande guerre, pasteur, fondateur d’une Église dans la banlieue lilloise, engagé dans l’action sociale, évangéliste, résistant... il fut un témoin protéiforme de l’Évangile. L’essentiel du ministère pastoral d’Henri Nick s’est déroulé pendant la première moitié du XXe siècle. Au « Foyer du Peuple », Fraternité qu’il a fondée à Fives, faubourg de Lille, au sein de la population ouvrière : il ouvre une section de la Croix-Bleue pour lutter contre l’alcoolisme ; il va secourir les buveurs jusque dans les bistrots en s’asseyant à leur table. Il organise des visites médicales, crée des colonies de vacances permettant aux enfants des quartiers miséreux de goûter un air plus salubre sur les plages du Pas-de-Calais. Il appuiera même les grandes grèves ouvrières des années 30, sans appartenir pour autant à un parti politique, ni même s’inscrire à proprement parler dans le mouvement du christianisme social.
Parallèlement à toutes les activités classiques de l’Église (culte, école biblique, etc), il annonce Jésus-Christ en distribuant des traités ou en prêchant dans la rue. Il garde du temps et de l’énergie pour les controverses. Une anecdote à ce sujet : un libre-penseur (Sébastien Faure) organisait à Lille des soirées publiques au cours desquelles, après avoir copieusement injurié le Seigneur, il sortait sa montre de gousset et lançait : « si Dieu existe, il a trois minutes pour me tuer après tout ce que j’ai dit ». Lassé par ce manège, Henri Nick monta un soir sur l’estrade, pistolet chargé en main, le posa sur la table après avoir insulté le discoureur et lança : « si le conférencier existe, il a trois minutes pour me tuer à cause de ce que j’ai dit ». On devine la fin. Le temps écoulé, le pasteur Nick reprit son arme, et dit au public : « La preuve est faite : Mr le conférencier n'existe pas ! ». Pendant la seconde guerre mondiale, Henri Nick monte un réseau de résistance facilitant l’évasion d’aviateurs alliés et cachant des juifs. En fait notamment partie son fils, Pierre-Henri Nick, médecin au Cateau-Cambrésis où son père l’avait encouragé à s’installer, à l’invitation d’une autre figure protestante du Nord comparable à celle d’Henri Nick, le pasteur de la ville voisine de Caudry, Samuel Cornier. Père et fils ont été reconnus « justes parmi les nations » en 1992. Le Foyer du Peuple de Fives témoigne toujours de Jésus-Christ. Église évangélique indépendante, Le Foyer du peuple a rejoint l’union des Églises Réformées et fait donc aujourd’hui partie de l’ÉPUdF.