Écologie, climat et foi : où en sont les protestants ?
Le Réseau « Espérer pour le vivant » a organisé une conférence autour de la récente enquête Ifop sur les chrétiens et l’environnement. Une étude inédite et précieuse pour comprendre le positionnement des protestants en la matière.
Pour Jean-François Mouhot, directeur d’A Rocha France à l’initiative du projet, « les résultats permettent de cerner les leviers d’action et les points de résistances, pour mieux communiquer l’importance des enjeux écologiques et climatiques au public chrétien ». De fait, nous ne disposions jusqu’à présent d’aucune étude quantitative permettant de cerner comment l’urgence environnementale est connue et comprise par les croyants.
Sensibilité, ambivalence, freins
Cléo Schweyer nous présente les résultats de l’étude. Pour cette doctorante en science de l’information, la sensibilisation au défi climatique est assez semblable à celle de la population générale, mais avec « maintenance d’une posture centrée sur l’homme », et plusieurs résultats paradoxaux : « un nombre significatif de sondés ne voient pas le rapport avec leur vie spirituelle et ont une attente mitigée envers l’Église ».
Christophe Monnot, de Strasbourg, est invité à porter une analyse sociologique. Les travaux du Conseil œcuménique des Églises et son processus « Justice, Paix et Sauvegarde de la Création » avaient, dit-il, dès 1975 constitué une première avancée. Néanmoins, en France l’environnement se révèle franchement défavorable, avec une gauche matérialiste. Les institutions ecclésiales, elles, se laissent porter par un courant opposé à la vision du COE, et par l’engagement social traditionnel. Il faut attendre 2015 avec l’apparition des Marches pour le climat et Église verte, pour voir des associations militantes faire bouger les lignes. Si l’institution ecclésiale semble désormais perméable à ces courants même si, insiste le sociologue : « les conservateurs constituent encore une partie non négligeable du pouvoir ecclésial, avec une vraie capacité de blocage. »
Choisir entre engagement social et écologique ?
La potentielle concurrence entre diaconie et écologie est au cœur des questions des participants : « Les protestants, surtout culturels, sont engagés dans le social. Et s’il y a un choix à faire, ils se reporteront d’abord sur l’Entraide, qui a une histoire. » L’information scientifique, elle, finit par être contre-productive, et la perception des enjeux écologiques reste lointaine. Il est donc nécessaire, précise Cléo Schweyer en conclusion, « de faire le lien avec des vécus locaux, avec des pistes d’action concrète, et avec le sens. »
L’opinion des protestants français en matière d’écologie
Résultats de l'enquête IFOP - Parlons Climat - A Rocha
Cette étude a été conçue et analysée par les associations A Rocha et Parlons Climat avec le soutien de Fondations comme FLAM ou E. Bersier. L’Institut Ifop a réalisé le sondage au printemps 2023 auprès d’un échantillon de 987 Français représentatifs, de 484 catholiques et de 274 protestants pratiquants (partagés entre luthéro-réformés et évangéliques). Avec un panel si réduit, la marge d’erreur est forte (4,5 %) et les résultats fragiles.
L’approche choisie a permis de dégager des groupes aux tendances communes : quatre profils types de pratiquants catholiques et trois en ce qui concerne les protestants pratiquants. Pour ces derniers, les auteurs proposent un premier groupe de « pratiquants idéalistes » représentant 40 % des sondés, celui des « attentistes éloignés de l’Église » (29 %) et enfin celui des « jeunes climatosceptiques » (29 %).
Quelques résultats, côté protestant
Conscience de la crise : pour 80 %, il faut changer nos modes de vie radicalement dès maintenant.
Une vision qui reste anthropocentrée : pour 70 %, la nature est une ressource à disposition de l’homme. 42 % pensent que le bien-être humain passe avant la nature.
Envie d’agir… mais des doutes sur l’efficacité : 82 % aimeraient en faire plus, mais 49 % avouent ne pas savoir quoi faire.
Lien problématique avec la spiritualité. Si pour 90 %, prendre soin de la terre c’est aussi prendre soin de son prochain, 47 % ne font pas le lien entre leurs opinions et leur spiritualité. 26 % n’y voient aucun rapport.
L’attente envers l’Église : 58 % estiment que c’est son rôle d’en parler, mais 70 % souhaitent avant tout la mise ne place d’actions concrètes.
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