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Engagement

Brive-la-Gaillarde célèbre ACAT la vaillante

29 octobre 2024

Le 5 octobre dernier, les militants corréziens ont fêté les 50 ans de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. Une occasion de rappeler à tous l’actualité de leur combat.

Colette Chanas-Gobert a certes pris sa retraite en tant que pasteure, mais pas en tant que militante. « J’ai découvert l’ACAT en 1978, quatre ans après sa création, et je ne l’ai jamais quitté depuis ». Membre du comité directeur national, elle a eu à cœur de fédérer les adhérents isolés de Corrèze pour créer un véritable groupe dès son arrivée dans la région, il y a douze ans. Aujourd’hui composé d’une quinzaine de personnes, le groupe prend régulièrement des initiatives pour sensibiliser la population aux causes qui lui sont chères.

Contre la torture et la peine de mort

À l’origine de l’ACAT, il y a deux femmes protestantes bouleversées par le témoignage d’un pasteur revenant du Vietnam en guerre et qui racontait les scènes de torture infligées aux prisonniers. Elles ont alors mobilisé leurs connaissances, de toutes confessions chrétiennes, pour constituer des groupes et engager les chrétiens à agir.

« Le refus de la torture et l’œcuménisme sont l’ADN de l’ACAT, ils sont liés dès l’origine », souligne Colette Chanas-Gobert. « Il n’est pas anodin que nous fêtions ce cinquantenaire aux Grottes de Saint Antoine, parmi les Franciscains. »

Il n’est pas anodin non plus que l ’ACAT Corrèze parraine Eriese Tisdale, condamné à la peine capitale en 2013 pour le meurtre du sergent Gary Morales. Il est depuis lors incarcéré dans les couloirs de la mort d’un pénitencier de Floride. Son procès est demeuré longtemps en révision : après s’être prononcée une première fois pour la peine de mort, la cour de Floride s’est vu notifier, en 2017, la nécessité de voter cette peine à l’unanimité, puis, en 2023, celle d’obtenir un vote de 8 voix contre 4 pour qu’elle soit exécutée. La cour s’est récemment à nouveau prononcée pour la peine capitale. L’ACAT Corrèze, qui correspond avec Eriese Tisdale depuis son incarcération, a pu constater que le prisonnier s’est confié au fil du temps. « Peu à peu, les échanges sont devenus de plus en plus profonds, et son témoignage a été précieux sur les conditions de détention dans les couloirs de la mort », explique Colette Chanas-Gobert.

L’autre moitié de l’ADN de l’ACAT, l’œcuménisme, se retrouve dans les débats organisés par les militants de Corrèze. En 2021, ils ont ainsi organisé une conférence avec Pascal Maguesyan, chef de projet de Mesopotamia Heritage, une association engagée dans la restauration du patrimoine irakien, chrétien, yézidi et musulman après les destructions de Daech. À l’occasion des 50 ans de l’ACAT, ils ont invité Rabbi Ikola Mongu, (voir encadré), et diffusé le documentaire En toute liberté de Xavier de Lauzanne. Le film suit le parcours de sept journalistes musulmans, chrétiens et yézidis dont l’objectif est de créer la radio Al-Salam et de faire en sorte que les différentes communautés qui vivent en Irak puissent enfin, après les années noires marquées par les exactions de Daech, se parler à nouveau.

Se soucier des jeunes

Mais parmi les actions de l’ACAT Corrèze, une autre volonté se distingue: celle de s’adresser aux jeunes. En 2022, les militants ont ainsi invité Michel Petrossian, auteur du livre Chant d’Artsakh, à parler du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh aux élèves du lycée Michelet de Brive.
« La journée s’est poursuivie par une conférence ouverte à tous, mais ce temps d’échange avec les lycéens était très important pour nous », insiste Colette Chanas-Gobert.

La programmation du cinquantenaire de l’ACAT a fait entendre la voix de deux professionnels de l’éducation :

Catherine Margez-Houssin, ancienne proviseure du lycée Bahuet de Brive, très préoccupée par l’éducation des jeunes générations, et Christophe Mercier, éducateur spécialisé en foyer d’urgence à Tulle. Ses missions consistent, entre autres, à s’occuper d’une vingtaine d’adolescents placés suite à une décision judiciaire, à les accompagner dans leur scolarité, leur formation professionnelle, et pour certains, leur suivi pénal. Il préside également l’association Promotion des séjours de remobilisation, qui met en place des séjours au Sénégal pour des adolescents en proie à des problèmes d’addiction, de violence, et souvent rompus à toutes les structures d’accueil existantes. Un débat particulièrement pertinent dans un contexte sensible où la Protection judiciaire de la jeunesse apparaît plus que jamais fragilisée par l’annonce du non-renouvellement de centaines de contractuels, à laquelle a répondu la grève des éducateurs spécialisés du 19 septembre dernier. L’ACAT Corrèze joue donc, elle aussi, un rôle d’éclaireur.

Rabbi Ikola Mongu : Itinéraire d’un battant

Originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), Rabbi a exercé son ministère pastoral à Kinshasa pendant 13 ans, puis dans le nord du pays. La familiarité avec la grande pauvreté et la situation de nombreux villageois ignorants de leurs droits l’ont poussé à relire la Bible à la lumière de la théologie de la libération en Afrique, et à engager ses concitoyens à ne pas rester passifs. Rabbi est un défenseur du vivant au sens large et milite également pour la protection de l’environnement au sein de plusieurs associations, en France et en RDC, et en particulier pour la protection des forêts tropicales. Ses différentes activités lui ont valu d’être arrêté et torturé plusieurs fois.  

En 2015, il doit s’exiler, et arrive en France où il obtient le statut de réfugié politique au terme d’un véritable parcours du combattant. C’est l’année de la COP 21 à Paris: il croise la route d’un groupe de pèlerins climatiques philippiens qui se rendent là-bas depuis Rome, et se joint à eux pour partager leur dernière étape, à partir de Lyon. Il traverse alors une période très difficile, en dépit du soutien de l’Église sur les plans moral et financier. Rabbi est un jour arrêté suite à un contrôle au faciès, et placé en centre de rétention à Lyon Saint-Exupéry. Il intente, et gagne, un procès contre la préfecture du Rhône. Son statut administratif l’empêche d’entreprendre des études à Lyon, mais il fait valoir son droit à l’éducation et crée un collectif d’étudiants étrangers sans papiers, à Lyon et à Saint-Étienne, pour défendre ceux qui connaissent une situation similaire. Rabbi est aujourd’hui pasteur de l’Église Protestante unie de France dans la paroisse de Dieulefit, dans la Drôme, membre du comité directeur national de l’ACAT ainsi que de l’initiative interreligieuse pour les forêts tropicales/RDC, permettant aux communautés confessionnelles de travailler avec les peuples autochtones.

Rabbi Ikola
Mongu

©Rabbi Ikola
Mongu

 

 

 

 

 

 

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