Ministères spécialisés

Gratitude !

01 avril 2022

Nous poursuivons notre tour d’horizon des ministères spécialisés de notre Église dans le cadre de la réflexion sur les ministères, thème synodal pour trois années. Ce mois-ci, le pasteur Didier Crouzet présente son poste, qu’il quittera à l’été 2022 ; Sophie Zentz-Amédro lui succédera.

Après six années d’études de théologie, dont une aux Etats-Unis, j’ai débuté mon ministère en 1982 à Nantes, comme pasteur de la Mission populaire évangélique, au carrefour de préoccupations théologiques, sociales, éducatives. De 1991 à 1995, j’ai enseigné le Nouveau Testament à l’Ecole pastorale de Lifou, en Nouvelle Calédonie, envoyé par la Cevaa – Communauté d’Eglises en mission. L’Eglise reformée de Grenoble m’a accueilli de 1995 à 2004, dans un ministère à dominante diaconale, ouvert sur la cité. Puis j’ai été en charge des relations internationales de l’Eglise réformée de France, avant d’être appelé en 2013 au poste de secrétaire général de l’Eglise protestante unie de France.

 

Ce ministère est éminemment pastoral, car quoiqu’en dise le titre, je ne suis ni secrétaire, ni général ! Je ne passe pas mon temps à écrire des rapports et je n’ai pas de troupes à commander ! Le cœur de mon ministère, c’est l’accompagnement des ministres.

 

Prendre soin, valoriser, appeler

 

Accompagner, c’est d’abord prendre soin des ministres. C’est à dire les écouter, entendre leurs demandes, repérer les difficultés du ministère, les conseiller parfois, prier pour eux. Prendre soin, c’est être bienveillant. C’’est l’attitude fondamentale qui me guide.

 

Accompagner, c’est aussi valoriser les compétences et les charismes, valoriser ce qui anime profondément chacun. Un spécialiste de François d’Assise nomme cette attitude « la révérence » qui désigne chez François, son respect infini de tout être habité du souffle de Dieu.

 

Accompagner, c’est également appeler. Le rôle du secrétaire général, avec la Conférence des présidents de conseil régional et les inspecteurs ecclésiastiques, c’est d’appeler la bonne personne au bon endroit au bon moment, rechercher l’adéquation entre un ministre et un poste. Il est très important de garder cette dimension de l’appel. Appeler et répondre à un appel, c’est une manière d’être fidèle au Dieu d’Abraham, de Jésus, de Paul. L’Église n’est rien d’autre que l’ensemble de ceux qui ont été appelés. Nous sommes là parce que nous avons reçu un appel de la part du Seigneur et que nous y avons répondu. L’appel au ministère est un cas particulier de l’appel que Dieu adresse à tout être humain pour le rejoindre. Dans l’Eglise, on n’est pas promu, on ne fait pas carrière : on répond à un appel.

 

Accompagner, c’est parfois aussi rappeler la « loi », les règlements, le cadre de l’exercice du ministère. La bienveillance n’exclut pas l’exigence ! La Constitution de l’EPUdF constitue un cadre qui aide notre Eglise, ses ministres, ses conseils, ses membres à vivre leur mission de témoignage.

 

Joies et difficultés

 

J’ai eu le privilège de côtoyer des personnes très diverses et d’être témoin de parcours de foi étonnants.  J’ai vu l’œuvre du Seigneur qui appelle les ministres dont notre Eglise a besoin, même si j’ai souvent pensé qu’il pourrait en appeler un peu plus !

 

Au cours des nombreuses rencontres que j’ai vécues, c’est toujours plein de joie que j’ai vu un ou une collègue repartir à la fin d’un entretien avec des réponses à ses questions, non parce que j’y aurais répondu, mais parce que l’écoute bienveillante et le dialogue lui avaient permis d’avancer.

 

J’ai vu aussi des collègues fatigués, plein de doutes, prêcher l’Evangile avec une force renversante, comme si le Seigneur donnait toute sa puissance dans leur faiblesse (voir Corinthiens 12, 9).

 

J’ai éprouvé le bonheur du travail collégial avec les président.es de Conseil régional, les inspecteurs, les ministres nationaux, le Conseil national.

 

J’ai eu le privilège de rencontrer nombre d’Eglises locales, d’animer des cultes, de vivre la riche diversité de notre Eglise. J’ai vu des membres d’Église enthousiastes, d’autres épuisés, mais qui tous témoignaient à leur manière de la présence du Seigneur dans leur vie. J’ai reçu bien des leçons de foi et de courage.

 

Et puis à côté de ces moments bénis, d’autres furent moins réjouissants : l’échec de ne pas avoir su convaincre, le regret de n’avoir pas su trouver les mots pour apaiser des ministres en souffrance, la frustration de ne pas trouver le poste qui convenait à tel ou telle, de ne pas être en mesure d’envoyer un pasteur à des Eglises en demande. Mais au bout du compte, j’éprouve une immense gratitude.

 

Cultiver la gratitude 

 

La gratitude est peut-être l’attitude fondamentale du chrétien. Dans le mot « gratitude », on entend les mots « grâce » et « gratuit ». Elle exprime la reconnaissance de celui ou celle qui a accepté le cadeau que Dieu lui fait. La gratitude témoigne de ce qui est sans prix : quand on offre un cadeau, on efface le prix. Dieu fait la même chose : le cadeau de son amour est offert sans indication de prix. La gratitude fait du coup entrer dans une relation non commerciale, non culpabilisante, sans rapport de force, sans domination physique ou psychologique. Elle fait avancer vers la paix.

 

Puissions-nous cultiver la gratitude ! Gratitude d’être aimé de Dieu, gratitude d’avoir une place au sein de la famille des enfants de Dieu, gratitude de pouvoir témoigner de cet amour. Je sais bien que ce n’est pas toujours facile et qu’il y a bien des circonstances où la gratitude n’est pas de mise. Le pasteur n’est pas parfait, le président du CP n’est pas parfait, les membres du CP et de l’Eglise non plus. Les désaccords et les conflits font partie de la vie.

 

Mais quel est le choix ? Quel est le contraire de la gratitude ? La plainte. La plainte est légitime, les psaumes en témoignent. Mais le plus souvent, le psalmiste termine sa prière en exprimant sa gratitude à l’égard de son Dieu. Alors sachons exprimer notre gratitude, sans nous voiler la face, sans ignorer les problèmes, mais en les remettant à leur juste place, c’est-à-dire à la seconde. D’abord, la gratitude !

 

Je termine donc ces lignes en exprimant ma très grande gratitude pour le privilège d’avoir été appelé à ce ministère spécialisé de secrétaire général.

Didier Crouzet
Secrétaire général de l’Église protestante unie de France

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