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Portrait

Jon Dendaletche

24 septembre 2024

Propos recueillis par Chloë Money

Église, fronton, prés où paissent de tranquilles brebis, maisons blanches aux boiseries rouges : Jatxou, à 15 km au sud deBayonne, est  un village basque. Jon y est arrivé de Corée à l’âge de quatre mois pour rejoindre le foyer de ses parents adoptifs, Anne et Pierre Dendaletche. Aujourd’hui âgé de 20 ans, il termine une formation
pour enseigner le rafting l’été et le ski l’hiver.

Jon, tu vis dans une région qui défend fermement son identité. Comment s’est passée ton enfance ici ?
Au Pays basque, il y a des gens très accueillants et chaleureux, et d’autres qui ne vont parler que le basque et chercher à rester entre eux. Sachant cela, papa et maman m’ont donné un prénom basque et m’ont mis dans une ikastola pour que je puisse apprendre la langue et
m’intégrer plus facilement. Alors, un petit Asiatique qui parle basque, c’est sûr que ça surprend ! À l’école, les enfants remarquaient évidemment ma différence, mais je pense que leurs parents leur disaient : « Ton copain Jon est adopté, bon, ça n’empêche pas qu’il est comme toi. » C’est plus tard, au collège, que j’ai subipas mal de moqueries, de remarques discriminantes, d’insultes, parfois vraiment racistes, et cela de façon récurrente. Ça s’est atténué au lycée.
Les enfants peuvent être méchants parce qu’ils sont ignorants ; ils ne
connaissaient pas mon histoire et, d’ailleurs, certains pensaient que
j’étais chinois… Ils ne se rendent pas compte que leurs mots peuvent être très blessants.
Que sais-tu de tes parents biologiques ?
Lorsqu’elle m’a déposé à l’orphelinat, ma mère a laissé une lettre, dans laquelle elle explique qu’elle est étudiante, qu’elle a rencontré mon père pendant ses études, mais qu’elle a très vite rompu avec lui parce qu’il buvait et qu’il lui arrivait d’être violent. Quand elle s’est rendu compte qu’elle était enceinte, elle a voulu lui en parler mais il avait changé de numéro et elle n’a pas pu le retrouver. En Corée, les mères célibataires sont très mal vues par la société, totalement exclues. Elle m’a donc déposé à l’orphelinat après ma naissance et une famille d’accueil s’est occupée de moi jusqu’à ce que je sois adopté. J’ai quelques photos
de cette famille.
Tu es aujourd’hui un jeune homme qui vient de quitter l’adolescence, un moment souvent difficile où l’onse cherche beaucoup.
Comment te sens-tu ?
L’adolescence est un moment encore plus difficile quand on ne connaît
pas ses origines. C’est une période où je me suis senti vraiment très mal. J’avais du mal à trouver ma place, je ne me sentais pas aimé, je doutais des sentiments de ma famille, je me posais tout le temps des questions.
J’aurai toujours des questions : je me demande à quoi ressemblent mes
parents biologiques, ce qu’ils font, si j’ai des frères et soeurs en Corée…
Mais aujourd’hui, je me sens très bien, dans ma famille et à l’extérieur.
Je vis dans une maison, j’ai des amis et un travail qui me plaît. Je
pense que des gens ont un parcours plus compliqué que le mien… Mes
parents, ce sont Pierre et Anne. Ce sont eux qui ont fait de moi qui je
suis. Si je retrouve mes parents biologiquesun jour, ce ne sera pas pour
rattraper le temps perdu, mais simplement pour leur dire merci. Merci
de m’avoir donné la vie, et merci d’avoir fait en sorte que je puisse
être adopté.

La boîte à bébé côté rue.
Il est écrit : « Si vous ne pouvez
pas vous occuper de votre bébé, ne
l’abandonnez pas dans la rue.
Déposez-le ici. »
© Chloë Money

 

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