Les insectes , ces mal-aimés
« Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants selon leurs espèces : bétail, bestioles, animaux sauvages, chacun selon ses espèces ! Il en fut ainsi. Dieu fit les animaux sauvages selon leurs espèces, le bétail selon son espèce, et toutes les bestioles
de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. » Genèse 1.24-25
La Bible n’est pas un ouvrage de sciences naturelles. La première mention d’un arthropode ou de « bestioles » figure dans le récit de la Création du monde, littéralement « ce qui rampe ou glisse : serpents, lézards, insectes et petits animaux » ; vient ensuite la mention que l’homme est chargé de nommer chacun des êtres vivants et parmi les insectes « français-européens », les morios, les grandes naïades, les Zeuzères, les cynips des galles de chêne, les calosomes verts ou autres larves d’ips typographes…
Les insectes disparaissent
La quantité, la biomasse des insectes volants aurait diminué de 75 % dans certaines régions d’Europe, ce chiffre est cité par le biologiste Dave Goulson, spécialiste des insectes pollinisateurs, car la biodiversité, ce n’est pas que le panda géant, le rhinocéros de Sumatra ou le lynx, ces espèces vers qui se portent tous les regards, c’est aussi, au sein du monde animal, les insectes dont la diversité est foisonnante : 1 million d’espèces recensées (40 000 rien qu’en France), soit plus de la moitié des organismes vivants sur la terre. Cette diversité faramineuse est pourtant menacée. Pour les spécialistes de la biodiversité, la disparition des bourdons, des papillons et autres insectes est un signe aussi alarmant qu’un compte à rebours.
Le biologiste américain Paul Ehrlich a comparé la disparition des espèces au détachement aléatoire de rivets sur l’aile d’un avion : « Si l’on en enlève un ou deux, l’avion se portera probablement bien, enlevez-en 10, 20 ou 50, tout d’un coup, sans qu’il soit possible de prédire à quel moment tout se disloque, tout se défait. Les insectes sont essentiels à l’ équilibre des écosystèmes… ».
Mais la mondialisation est aussi un facteur de dérèglement des populations d’insectes, avec l’apparition d’espèces invasives : le moustique tigre ou le frelon asiatique…
Et pas de réaction ?
Dans tous les cas, nous devons apprendre à vivre avec les insectes et les reconnaître comme des partenaires dans le maintien de la biodiversité.
Mais alors, comment se fait-il que l’extinction des insectes nous touche si peu ?
Sans doute est-elle moins spectacuaire que la fonte des glaces ou les feux gigantesques de forêt au Canada. L’extinction des insectes ressemble à nos souvenirs de vacances, de moucherons s’écrasant sur le pare-brise de la voiture, de bourdons envahisant un matin d’été le jardin potager, des souvenirs que nous ne regrettons pas, car les insectes ne nous ressemblent pas, les insectes ne suscitent pas en nous la même empathie qu’un orang-outang piégé par un feu de forêt ou un ours blanc sur la banquise.
En vérité, les insectes nous font peur avec leurs pattes velues-crochetées, leurs yeux aux multiples facettes, leur corps noir bleuté caparaçonné métallique. Il suffit de regarder tous les films de science-fiction, les aliens, extra-terrestres, ce sont tous des insectes géants.
Oui, les insectes nous mettent mal à l’aise… Nous les jugeons au mieux inutiles, au pire nuisibles. « Va-t’en chétif insecte, excrément de la Terre ! » déclamait Jean de La Fontaine dans « Le Lion et le Moucheron ».
Nous avons tort, disent les biologistes : sans ces messagers volant d’un monde à l’autre, nous sommes les passagers d’un vaisseau perdant ses rivets. Les insectes ne doivent pas être oubliés dans nos actions de protection de l’environnement.