Pour habiter le monde autrement, de manière solidaire et écologique
Le Moulin Bleu est une communauté d’ami-es, amoureux de la vie, défenseurs d’une société juste et durable, vivant en marge des grands centres urbains pour partager un quotidien simple et ouvert à tous. Il est un lieu de vie, d’expérimentation, de transmission, de développement d’activités et de luttes, qui participe au dynamisme et a? l’autonomie d’un territoire.
Camille Bonneville, tu appartiens à la communauté du Moulin Bleu qui se définit comme joyeuse, résiliente, et solidaire (cf le site du Moulin bleu : https://lemoulinbleu.org/)
On ne s’est pas dit au départ : on va faire une communauté joyeuse, résiliente et solidaire… Ces mots caractérisent notre rapport au monde dans un projet de vie éco-responsable.
Je crois qu’on essaie de militer de manière non radicale, en s’attachant aux relations humaines, en fraternité, dans la joie pour que l’expérience puisse durer. La joie est plus un chemin qu’un but à atteindre ; c’est une force d’action car je suis convaincue qu’il faut défendre notre planète et vivre en harmonie dans ce monde qui s’effondre à cause du mode de vie des 2 derniers siècles qui n'a pas rendu l'utilisation des ressources viable (ce qui engendre crise climatique, migratoire…).
On essaie nous de faire ce qu'on peut dans un esprit positif ; on ne pense pas tout sauver on ne pense pas avoir tous les savoirs mais bon voilà on fait de notre mieux.
Une communauté résiliente, pourquoi ?
La résilience, c'est un terme en ingénierie qui signifie la capacité des matériaux à s'adapter ou à être souples. On parle de plus en plus de résilience de population ou de résilience dès que le système ou un écosystème ou une population ou tout autre entité en fait est capable d'encaisser des chocs et de se remettre debout.
Nous, la résilience, on la cultive un peu de manière agricole avec l'agro-écologie, en essayant de reconstruire des d'écosystèmes, de restaurer le sol, plus globalement de prendre soin du lieu sur lequel on est ici. Mais dans la gouvernance aussi, on est résilients dans le sens où on est tous un peu polyvalents pour les activités de fonctionnement et de décisions. Si un jour une personne du groupe part, le groupe s'en remettra assez facilement. Pour autant, le corollaire de tout ça, c'est que cela prend plus de temps de se former un peu à tout.
Une communauté solidaire ?
On est attachés à l'équité et à l’écoute. Pour la solidarité, il faut la considérer dans le contexte sociologique : notre groupe est majoritairement composé de blancs issus de classes moyennes à élevées avec un fort capital culturel. On essaie aussi de prendre conscience de tous ces privilèges, et voir ensuite comment on peut utiliser ce capital là pour créer davantage de solidarité. Par exemple, on accueille une fois par mois une association qui s'occupe de personnes autistes. Pour le moment, nous ne sommes pas prêts pour accueillir durablement des personnes de l’extérieur (comme une œuvre sociale).
Entre nous, la solidarité s’exerce dans le fonctionnement, les dépenses, une ressourcerie, un atelier vélo partagé…
Est-ce que le groupe évolue ?
Deux personnes locales ont rejoint le groupe initial. Maintenant, on affiche complet ! Le processus d’entrée/sortie du groupe n’est pas encore très abouti, alors que c’est très important pour la pérennité et l’équilibre du groupe. Mais on peut aussi voir les nouvelles entrées comme des renforcements d'équilibre car cela amène de l'air frais, des retours, des remises en question de nos pratiques.
Pour moi, les déséquilibres dans le groupe viennent de changements de caractère ; nous changeons tous dans un contexte de vie nouveau depuis un an. Le fait qu'on ait acquis du foncier, on est un peu moins prêts à faire des compromis sur leur projet, sur le lieu … on voit que ça rentre dans un niveau humain différent où tout peut s'entrechoquer ; la joie et la légèreté sont un peu moins présentes depuis que toute la vie sociale est concentrée ici en raison du Covid. Aller voir nos amis à Paris permettait une bouffée d’air frais.
Comment se déroule la gestion du lieu ; une hiérarchie existe-t-elle ?
Les habitants (une quinzaine) ont acheté ce lieu en SCI ; chacun a des parts. Pour gérer le lieu, on a deux entités ; une avec les habitants qui se réunit deux fois par semaine pour vivre et faire vivre le lieu. Une autre entité associative regroupe une fois par mois les habitants et des personnes extérieures (agriculteurs locaux, producteurs d’énergie…) pour réaliser des projets.
D’un point de vue financier, il y a une cagnotte où chacun met 10% (petits salaires) à 30 % (salaires plus élevés) de ses revenus.
Il n’y a pas de hiérarchie ; nous décidons tout collégialement, avec des responsabilités en binôme qui tournent. Parfois il y a des tensions. Nous avons mis en place des ateliers de parole (communication non-violente), des ateliers de gestion émotionnelle (dire ce que l’on ressent) qui sont à mes yeux très importants pour désamorcer d’éventuels conflits.
Est-ce que ce mode de vie t’a transformée ?
Je crois que le Moulin Bleu est un outil de croissance personnelle. Je ne pensais pas que ce serait si dur ; j’ai beaucoup appris sur moi-même. J’ai découvert des aspects de ma personnalité. Je me rends compte qu'avant, pendant longtemps, j'ai voulu être un peu en façade la fille sympa qui pouvait encaisser, qui pouvait faire des compromis, qui pouvait être souple et adaptable ; mais je me rends compte qu'ici, au quotidien c'est dur, donc il faut que j'apprenne à m'affirmer, à poser mes limites, quitte à avoir l'impression d'être « méchante » ! En fait c'est une question de survie, et j’ai compris que les autres ne vont pas arrêter de m'aimer pour autant.
Finalement, c'est vraiment intéressant de vivre tous ces rapports humains, de se déconstruire un peu, de grandir. Ce qui est étonnant, c’est la densité de la vie ; je suis là depuis un an, et j’ai l’impression d’avoir pris 10 ans !
Je ne me rendais pas compte avant d'emménager à quel point c'était ambitieux et révolutionnant intérieurement de de faire ce genre de projet. Le Moulin Bleu est un lieu de d'expérimentation de la vie en communauté et de croissance personnelle, de réalisation de soi. À un moment, le désir de partir arrivera. C'est assez normal à mon avis quand on vit en communauté. Ce sera alors à d’autres de faire ces expériences humaines fondatrices.